Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Sous une allée de cerisiers
Sous une allée de cerisiers
Publicité
Archives
29 juillet 2009

*16*

Je me souviens comme si c’était hier de ce jour là. C’était une semaine avant ma rentrée au collège, et j’étais vraiment impatiente d’y aller. Je me sentais grande maintenant, fière de quitter l’école primaire. Nous avions prévu, elle, Papa et moi, d’aller nous promener en campagne non loin d’ici. Près du lac où je me rend aujourd’hui avec mes amis de temps en temps… L’Automne arrivait à grand pas, et l’été que nous avions eu n’avait guère été chaud, comme si le Printemps avait duré deux fois plus qu’il ne le fallait pour passer directement au temps monotone de Septembre.
- Lucy, ma chérie ! Tu as mit ta veste ?
- Oui Maman !
Elle avait toujours sur elle ce petit air insouciant, qui faisait que rien qu’à la regarder on avait le cœur qui se réchauffait. Je rêvais de lui ressembler ne serait-ce qu’un peu quand je serais adulte. J’avais attrapé son foulard, et m’étais mise à me coiffer avec, comme je voyais les paysannes le faire dans les vieux films en noir et banc que nous regardions parfois les Dimanche après-midi. Elle m’avait aidé, en glissant une fleur prise dans le bouquet séché qui trônait dans la cuisine, afin de mettre une touche finale. Toute fière, je m’admirais dans le miroir en prenant différentes poses.
- Papa regarde ! Je suis belle comme ça hein ?
- Mais tu es toujours belle ! Comme ta mère, ajouta-t-il en la regardant. Bon vous êtes prêtes ?
- Oui ! Il manque juste le panier pique-nique, j’en ai fait la moitié !
J’ai couru vers la cuisine, attrapé le panier en faisant attention de ne rien faire tomber, puis les ai rejoint à la voiture. Durant le trajet, je fredonnais , répétant les paroles de certaines chansons que je connaissais. Maman se joignait à moi. Elle avait vraiment un don pour le chant, et nous adorions l’écouter au coin du feu, les soirs d’hiver.
Arrivés au lac, je suis descendue la première, en sautillant de joie. J’adorais venir ici. Je me suis assise dans l’herbe, étant sûre d’avoir trouvé la meilleur place pour pique-niquer, puis ai fait signe à mes parents de venir me rejoindre. Ma mère était vraiment belle dans sa robe légère, recouverte d’une veste en coton blanc. Elle avait natté ses long cheveux bruns et orné le bout d’un pince en forme de papillon. Et, comme souvent lorsque nous sortions à la campagne, elle avait mit un chapeau en paille.
Après avoir mangé, je faisais des galipettes, puis nous avons fait la course toutes les deux, pendant que Papa nous filmait avec son nouveau caméscope. Ca m’amusait cet appareil, alors je me suis mise à faire des grimaces devant, en racontant des petites histoires. Pendant ce temps, Maman ramassait des fleurs pour les faire sécher comme les autres. Mais soudain, le vent s’est levé et a emporté le chapeau.
- Oh non !, s’est-elle exclamée.
- Je vais le chercher, lui cria mon père.
- Non ça va je le vois d’ici, je reviens ! Je te ferai voir comme faire une couronne de fleur après Lucy !
- Chouette !, ai-je dit, toute contente.
Le chapeau s’était envolé sur la route, en bordure du pré. Le tracteur ne l’avait sans doute pas vu en manœuvrant… Il n’avait sans doute pas vu ma mère non plus… Pas un cri, elle n’a pas eu le temps de voir venir je pense. Sur le coup, je n’avais pas compris et la cherchais du regard pour qu’on s’amuse avec les fleurs. Mais au final, on ne fera jamais de couronne. La seule que je verrais est celle que nous avons déposé sur sa tombe. Des fleurs des champs, en hommage à ces derniers instants de bonheur. Inutile de dire que ma rentrée au collège me fut très difficile. Insupportable. Elle avait promis de me coiffer pour mon premier jour. Alors le matin, en prenant mon peigne, je n’ai su que m’emmêler les cheveux, sans le vouloir.
    Ouvrant les yeux, je sens une larme unique couler sur ma joue. L’essuyant, je me dis que ça faisait un moment que je n’avais pas rêvé de ça. Prenant la photo entre mes mains, je la contemple, et ne peux retenir mes larmes davantage. Sanglotant en silence, je sens deux mains se poser sur mes épaules. Sans avoir besoin de me retourner, je devine que mon père aussi, y pense sans cesse.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité