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Sous une allée de cerisiers
Sous une allée de cerisiers
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29 juillet 2009

*14*

4



Toute la matinée, je suis d’une excellente humeur. Ce que mes amis ne manquent pas de remarquer, évidemment. Même au self, je n’émet aucun commentaire négatif sur la nourriture ou sur les blagues vaseuses de Matthieu. Au dessert, alors que nous parlons de la fête du printemps que notre lycée organise chaque année, quelqu’un tente d’attirer notre attention en toussotant nerveusement. Tournant la tête d’un même mouvement, c’est Julien qui, embarrassé, nous demande s’il peut s’asseoir à notre table vu que toutes les autres sont prises. Echangeant un regard avec les autres pour voir s‘il sont d‘accord, je suis celle qui lui répond :
- Bien sûr ! Attend je vais sortir ma veste.
Otant mon pull que j’ai posé sur la chaise à côté de moi, je la lui recule un peu pour lui indiquer qu’il peut se mettre ici. Ce qu’il fait, avant de commencer à manger en silence. Tentant de reprendre notre conversation là où nous l’avions laissé, je vois bien que chacun se demande comment lui faire comprendre qu’il peut participer aussi. Cette fois-ci, c’est Maxime qui se lance :
- Hey Julien, on parle de la fête et de la soirée organisées pour le printemps. Ce n’est que dans un mois, mais on peut déjà déposer des billets dans la boite à idée du CPE. Tu penses que ça sera quel thème cette année ?
Son visage prenant la couleur d’un coucher de soleil, Julien nous dévisage chacun à notre tour, remarquant que nous attendons tous une réponse de sa part.
- Euh, je… Je ne sais pas. Je crois qu’un garçon de ma classe a lancé l’idée d’une soirée Pirates, mais les autres n’étaient pas vraiment d’accord, enfin je crois. Mais ça peut être marrant qui sait. Il faut attendre encore un peu avant de savoir…
A le voir balbutier comme ça, je me dit qu’il est vraiment timide. Mais c’est également la première fois que je l’entend autant parler. Voyant que nous ne nous sommes pas moqué de lui, l’avons simplement écouté parler, il semble se calmer et prendre un peu plus confiance en lui. Je me demande pourquoi ceux de sa classe le laisse tout seul. Sa compagnie n’est pas désagréable. C’est ainsi que jusqu’à la reprise des cours, nous débattons du thème de la soirée, des différentes tenues possible et de la musique.
A la sortie des cours, je me rend à Book’s Story. Et contrairement à la dernière fois, je prend garde à ne pas prendre cette ruelle sombre, même si je ne pense pas que la même chose se reproduise deux fois. Montant les quelques marches qui mènent à la grande porte d’entrée, j’espère intérieurement qu’il n’y aura pas trop de monde. Poussant la porte et faisant carillonner la petite cloche servant de sonnette avertissant l’entrée d’un client, je prend une grande bouffée d’air chargée d’odeurs telles que le vieux papier ou l’encre fraiche provenant de l’atelier de Calligraphie au fond de la salle. Saluant le propriétaire occupé à installer une pancarte en vitrine, je me rend dans un coin, près d’une grande fenêtre, et m’installe à une table. Avant d’aller chercher quelque chose à lire, je fais comme à chaque fois une rapide inspection des lecteurs et acheteurs qui sont dans mon champ de vision. C’est une habitude que j’ai toujours eu. Enfin, que j’ai depuis le décès de Maman. Avant, c’était elle qui faisait ça. Elle disait qu’il était important de se nouer avec le lieu où l’on aime passer du temps afin de le connaitre par cœur, et de connaitre ceux qui l’aiment et le fréquentent également. Un peu comme un lieu où l’on peut être vulnérable, relâcher notre garde et simplement profiter de l’instant présent sans penser à rien d’autre. Pour ce qui est du lieu, pas de problème de ce côté-là, je l’ai suffisamment fréquenté pour savoir où sont rangées chaque choses. En revanche, au niveau des personnes ça change tout le temps. A part certains qui reviennent régulièrement, tous les jours de nouveaux adeptes de lecture vont et viennent. A ma droite, je remarque un petit garçon, assis au milieu d’un rayon à même le sol et entouré de plusieurs livres qu’il a soigneusement disposé autour de lui. Il semble absorbé par sa lecture, et j’ai l’impression de me revoir à son âge, baignant déjà dans l’univers de la littérature. Alors qu’il change de position j’aperçois le titre du livre qu’il tient et vois que c’est « l’Ile au trésor », de Stevenson. Je me souviens l’avoir lu aussi et j’avais bien aimé. Au bout du rayon, c’est une femme âgée, habillée comme à la vieille époque et affublée d’un grand chapeau avec un plume qui dépasse. Elle inspecte soigneusement une série de vieux romans en prenant des notes sur un calepin. Ne comprenant pas vraiment ce qu’elle fait, je balaye le reste de ce que je vois d’un regard rapide, mais aujourd’hui, seul le petit garçon est intéressant à observer. Me levant, je me dirige au hasard vers la partie des grands auteurs. Stendhal, Balzac, Céline, Claudel, Shakespeare… Je ne sais pas trop quoi prendre. Mais devant les Shakespeare, je tombe sur la version originale du « Songe d’une nuit d’été », A Midsummer Night's Dream. Je ne l’ai jamais lu en Anglais. Curieuse de savoir si la traduction est fidèle ou non, c’est celui là que je prend. A mon avis ils viennent juste de l’acquérir, je ne me souviens pas l’avoir vu avant. Retournant à ma place, je m’installe confortablement et me plonge dans ma lecture.

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